24/04/2015
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OliKrom et ses pigments intelligents, une innovation révolutionnaire

Crédits : https://www.youtube.com/@AFPfr

Des façades qui changent de couleur au fil du temps pour économiser l'énergie, des étiquettes de bouteilles qui se transforment lorsque le vin est à température : une entreprise girondine a mis au point une nouvelle génération de pigments "intelligents" qui intéressent de multiples secteurs industriels, du luxe à l'aéronautique.

Beaucoup de petites et moyennes entreprises rêveraient de connaître la situation d'OliKrom, une start-up basée sur le campus universitaire de Pessac, près de Bordeaux : depuis son lancement en octobre 2014, pas un jour sans qu'une dizaine d'entreprises ou de groupes industriels ne l'appellent, intéressés par la technologie innovante développée ces dernières années par son fondateur, Jean-François Létard.

Chimiste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pendant 17 ans, l'entrepreneur s'est spécialisé dans les pigments "intelligents" capables de réagir, en changeant de couleur, à la température, à la lumière ou à la pression. A partir de 2005, les brevets s'accumulent et le chercheur décide de franchir le pas de l'entrepreneuriat.

Une formation en école de commerce et quelques années d'incubation plus tard, OliKrom est lancée. Et les industriels accourent. Car, explique Jean-François Létard, ils attendaient depuis longtemps le renouvellement des technologies, après l'apparition "il y a une quarantaine d'années" des premiers pigments capables de changer de couleur, mais "qui ne résistaient pas aux rayons ultraviolets. Ils présentaient des problèmes d'usure et pouvaient être toxiques ".

Les procédés développés par OliKrom permettent donc "aux molécules de changer de conformation, et donc de couleur", "avec le moins de perturbations possibles", permettant en outre des modifications très précises, réversibles ou irréversibles. La "rapidité" et la "non-fatigabilité" du procédé sont également au cœur des nouveaux matériaux, souligne le chercheur.

 

OliKrom, l'intelligence des couleurs, des applications infinies

Autre facteur crucial de " l'hypercroissance " de la jeune entreprise, qui compte sept salariés et prévoit de lancer un site industriel d'ici fin 2015 grâce à une récente levée de fonds de 740 000 euros : les champs d'application semblent tout simplement... infinis.

Les secteurs du luxe, du design, de la décoration, de la mode - avec les textiles intelligents ont déjà montré leur intérêt pour les peintures, vernis, encres ou granulés plastiques produits par l'entreprise. "On peut imaginer des flacons de parfum qui changent de couleur, des objets personnalisés", confie Jean-François Létard, mais sans donner plus de détails, soucieux de confidentialité.

" Cela peut être utile pour la lutte contre la contrefaçon, grâce à des marquages dissimulés se révélant sous une certaine lumière ou à une température donnée, pour la sécurité alimentaire grâce aux codes-barres qui changent de couleur de manière irréversible lorsque la chaîne du froid a été rompue... ", énumère Camille Tanguy, responsable des ventes.

L'architecture ou le sport offrent également de multiples débouchés : rideaux s'opacifiant au soleil, stockage de la lumière grâce à des plafonds luminescents, court de tennis qui change de couleur à l'impact de la balle pour l'arbitrage... D'autant que les "combinaisons" des propriétés des pigments semblent "illimitées", souligne Clément Chatelier, responsable du laboratoire.

Mais l'un des plus larges champs d'application de cette révolution technologique est, sans conteste, celui de la sécurité, notamment industrielle. OliKrom travaille déjà avec les groupes Airbus et Safran sur les pièces qui équiperont les avions de demain, car, pour la maintenance, "un des enjeux est de pouvoir voir rapidement si une pièce a subi un choc anormal". Dans les usines, les signes d'usure des équipements peuvent, de la même manière, être "contrôlés visuellement".

On peut aussi imaginer une réduction des accidents du travail ou domestiques grâce au changement de couleur d'outils ou d'ustensiles soumis à des températures élevées ou encore un changement de couleur des portes de sécurité en cas d'incendie... des possibilités ouvertes par des pigments capables de réagir à la présence de gaz ou de solvants, sur lesquels l'entreprise poursuit ses recherches. "

" Le marché est énorme, d'autres entreprises vont se lancer ", prédit Jean-François Létard, qui se félicite que cette technologie innovante soit française, tout en soulignant l'importance de l'écosystème d'aides publiques qui lui a permis de faire mûrir son projet. Et, à l'image de ses pigments "caméléons", de passer sans difficulté du statut de chercheur à celui d'entrepreneur.