03/04/2018
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Alain Rousset, Président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et Jean-François Létard, directeur d’OliKrom, invités de l’émission SO Éco sur TV7 Bordeaux par Nicolas Cesar

Comment faire passer notre économie régionale à la vitesse supérieure ? Comment amener les start-ups à devenir des PME et transformer les PME en ETI ?

 

Interview Alain Rousset OliKrom TV7

Journaliste : Bienvenue dans votre rendez-vous Eco. Alors, ce soir, nous allons parler de comment faire franchir un cap à notre économie régionale avec deux visions, celle du politique Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, et celle d’un entrepreneur, Jean-François Létard, qui est le président d’OliKrom, qui est une belle société à Pessac, qui a conçu des pigments intelligents qui sont assez révolutionnaires. Mais avant cela, un mot président, puisse que vous êtes avec nous sur le plateau, sur la SNCF ? Cette grève dure.

Qu’est-ce que vous en pensez ?

Alain Rousset : Rien sur la grève. Je pense que c’est un droit constitutionnel et l’inquiétude des cheminots est réelle. Simplement, je ne voudrais pas que les régions soit la variable d’ajustement de ce conflit. Les régions ont ressuscité les TER, ceux-là ne fonctionnent pas bien aujourd’hui, le service public ne fonctionne pas bien.

Les coûts, notamment de rénovation et de régénération des lignes sont exorbitants. Donc il y a un problème d’organisation. Il faut que tout cela soit travaillé en concertation. Il faut qu’il y ait une vraie ponctualité, une vraie régularité. Je crois aux lignes SNCF, je crois au service public, mais je ne peux plus accepter le prix qui m’est donné aujourd’hui pour les contribuables aquitains.

Journaliste : Merci beaucoup, président. Nous entrons dans le cœur de notre débat. Comment faire franchir un cap à notre économie régionale ? Nous disons souvent que Bordeaux, celle-ci manque de sièges sociaux et que nous n’arrivons pas à attirer justement de grandes entreprises, que nos PME ne sont pas assez puissantes pour devenir des ETI.

Qu’est ce qui nous manque pour avoir la taille critique d’un écosystème comme celui de Lyon dont nous avons tous envie aujourd’hui ?

Alain Rousset : Je ne pense pas qu’il faille comparer Bordeaux et Lyon, considérez que Lyon est la panacée. Certes, il y a plus d’entreprises familiales à Lyon, mais le problème, c’est l’ensemble de la région.

La nouvelle économie est peut-être en ville, mais les usines sont à la campagne. Notre souci à la région continument, c’est de faire en sorte que nous redressions le squelette de notre économie qui est l’industrie. Que nous réindustrialisons ce que nous commençons à faire puisque les chiffres actuels d’emplois industriels sont quatre fois supérieurs en termes d’augmentation, que la France, vous les avez vu comme moi, d’où leur usine du futur.

Journaliste : Ça, c’est justement l’une des conséquences.

Alain Rousset : Quelle est la panoplie de ce que nous avons mis en place ? D’abord, premier constat notre appareil industriel manque de classes moyennes entreprises. Ça s’appelle les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, ça s’appelle les PME à potentiel. Et face à cela, nous avons de grands groupes qui sont inspirés à l’international, qui ont eu leur rôle, mais

qui aujourd’hui ne vont pas réindustrialiser la France. Ceux qui vont réindustrialiser la France, ce sont les PME, les ETI et les starts up. Que fait la région ? D’abord, elle discute avec les grands groupes pour voir comment créer une espèce de système pyramidal au niveau industriel. Comment je crée des ETI qui soient capables de s’adosser elle-même à un écosystème de PME ? J’accompagne les PME à potentiel pour qu’elles deviennent des ETI. Nous accompagnons la création d’entreprises. Mais ce qui est important dans la création d’entreprise, c’est le UP. Comment je fais pour qu’un chercheur, quelqu’un qui a une idée de création d’entreprise, puisse aller jusqu’au bout de cette idée, cela suppose de mettre en place des fonds propres. Or, aujourd’hui, le système de récupération de l’épargne est centralisé à Paris, ce qui est une catastrophe. Parce qu’il faut aller vite, il faut avoir des fonds d’investissement. Nous sommes en train de mettre en place un fonds d’investissement de 250 millions d’euros pour être capable d’avoir des tickets entre cinq à 15 millions d’euros. Nous savons faire le reste.

Journaliste : C’est ce qui manque justement aux patrons aujourd’hui. Vous, en tant que chef d’entreprise, Jean-François Létard, vous étiez chercheur auparavant. Vous êtes passé du côté de la recherche jusqu’à l’entreprise avec cette société OliKrom à Pessac. Qu’est ce qui manque souvent pour vous les chefs d’entreprise, pour vous aider à grandir, sachant que nous sommes dans une compétition aujourd’hui qui est mondiale ?

Jean-François : Vous le dites très bien et juste pour bien que tout le monde saisisse, OliKrom à trois ans. En trois ans, nous sommes sortis d’un laboratoire, l’Institut de chimie et de la matière condensée de Bordeaux, et nous avons passé tous les stades, c’est à dire que nous étions chercheurs en recherche fondamentale. Nous avons bénéficié, grâce à la région, d’appuis pour nos recherches fondamentales sans avoir comme idée de créer une entreprise. C’est ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’aujourd’hui nos laboratoires Aquitains bénéficient de financements pour jouer les premiers rôles au niveau mondial de nos recherches.

Il s’est trouvé dans l’aventure que nos pigments que nous programmions à changer de couleur avaient des applications pour avertir d’un risque de brûlure d’un court-circuit par rapport à, je dirais, une étincelle qui peut se provoquer dans un circuit électrique. Tout cela a fait qu’il y a eu un besoin industriel pour la sécurité industrielle. Et donc, ce projet fondamental est parti vers la création d’une entreprise.

Nous avons eu la chance encore d’être accompagné par différentes phases et d’outils qui ont été créés au sein de la région Aquitaine.

Journaliste : Quelles sont les phases et outils qui ont été créés au sein de la région Aquitaine notamment ?

Jean-François : Par exemple la cellule de transfert. Celle-ci a permis que, pendant trois ans, sans trop savoir si nous étions encore vraiment sur un positionnement d’offre par rapport aux marchés existants, nous avons commencé à rencontrer des industriels. Maintenant c’est repris par Aquitaine Science Transfert. Mais cette étape a été importante parce que par la suite, quand nous avons décidé de créer, nous avions des arguments devant les investisseurs qui ont fait que dès lors de la première levée de fonds, elle a été très rapide.

Donc, nous sommes passé par cette phase d’incubation. Ensuite, j’ai été faire à HEC une préparation parce que nous ne devenons pas entrepreneur comme cela. Et puis tout s’est emballé rapidement. J’ai été accompagné par Bordeaux Unitec qui est très important parce que pendant les premières étapes, nous pouvons perdre le projet. Nous pouvons avoir une excellente idée de projet, en revanche nous pouvons la perdre dans les premières années parce que nous ne faisons pas les bonnes rencontres, parce que nous ne trouvons pas les bonnes levées de fonds, parce que nous n’avons pas les bons appuis et nous ne créons pas, parce que nous ne sommes pas capables d’accéder assez vite aux marchés.

Donc ça, je dirais, les premières étapes est le moment où nous pouvons perdre quelque part le contrôle du projet et donc perdre cette dynamique.

Après le passage après la PME, c’est à dire comment nous accélérons encore plus. Juste pour vous dire, l’année dernière, nous avons signé plus de 50 contrats avec des grands groupes en un an. Rien que le juridique, c’est quelque part quelque chose qui est très difficile. Parce que faire relire tous nos contrats quand nous sommes une petite entreprise, c’est quelque chose de difficile. On a embauché quelqu’un tous les trois mois depuis la création, nous sommes quatorze. Il faut voir que chaque fois que quelqu’un arrive, l’employé est en train de s’inquiéter.

Il y a quelqu’un de nouveau. Est ce qu’il va lui prendre sa place ? Est-ce que nous faisons monter les gens en compétence puisque bien sûr, les premiers qui ont été recrutés aujourd’hui encadrent la nouvelle équipe. Donc on peut à tout moment perdre le contrôle de l’entreprise. Nous venons d’acquérir un bâtiment. Investissement de plus de 5 millions d’euros. Le banquier nous a suivi.

Mais faire confiance à une entreprise qui a moins de trois ans, qui va décider d’investir. On a réussi à rester à Pessac et on en est fier parce qu’à Pessac il y a une richesse entre l’université, entre tout ce qui bouge et autour de Pessac. Mais tout ça fait qu’à tout moment, si nous n’allons pas assez vite, nous pouvons perdre le contrôle. Quand vous entendez tout ça Alain Rousset, qu’est-ce que vous pouvez faire pour l’aider à croître encore plus vite, notamment à l’export ou ça c’est l’une des clés pour arriver à avoir l’entreprise qui crée le plus d’emplois possible.

Je crois que là, il faut bien voir dans l’objectif qu’on a coconstruit avec le monde de l’entreprise, c’est de désisoler le chef d’entreprise, de désisoler le créateur. Le paradoxe dans notre société, c’est que ce qui est la dernière société centralisée, démocratique, c’est que la centralisation crée l’isolement.

Ce qu’il faut, c’est que nous travaillons par des clusters, des regroupements d’entreprises que nous décloisonnons par rapport au système de la formation et par rapport au système de la recherche aussi. Après, nous avons quatre dispositifs que nous sommes progressivement en train de mettre en place.

D’abord le dispositif UP de start up. Comment j’accélère avec des fonds propres, avec de la formation, avec des conseils. Non, c’est les autres dispositifs qui existent. C’est ce qu’Unitec est en train de devenir avec cette possibilité de prendre par an une quinzaine de PME pour l’accompagner plus rapidement vers le statut de PME et que surtout ces entreprises ne soient pas cannibalisées soit par un grand groupe, soit par un fonds vautours. Parce que le problème de fonds propres est un problème crucial en France. Je n’arrive pas à le faire comprendre à Paris parce que c’est un pouvoir considérable que de concentrer 80 % de l’épargne française. Vous savez que l’épargne française, c’est la plus importante statistiquement au monde avec l’Allemagne. Donc c’est un pouvoir considérable. C’est pour cela que moi je voulais que la BPI fut régionalisé comme en Allemagne. Ensuite, nous avons mis en place trois autres dispositifs. 1 dispositif à l’export, que nous avons présenté ce matin aux entreprises. Comment à partir de 4 cibles, Japon, la Chine, l’Allemagne, les Etats-Unis, on a les entreprises qui ont des repères. Comment elles vont être accompagnées sur place. Parce que partir tout seul aux Etats unis, à New York, à Francfort ou ailleurs, ça n’a pas de sens si vous n’avez pas préparez votre voyage. Il y a une préparation à faire en amont que l’on fait avec les chambres de commerce, ça c’est le premier point et la région prend en charge financièrement ces 1,6 million d’euro. Deuxième point, comment nous allons accompagner les chefs d’entreprise pas qu’au début mais sur leur parcours de croissance alors il y a trois programmes 1 que nous achetons à la bpi qui l’a initiée au niveau national qui s’appelle le programmes premium, comment un chef d’entreprise va s’engager sur un an et demi, deux ans à une formation de haut niveau, cela va concerner 70 entreprises et puis il y a un autre projet d’accélérateur qui va concerner 500 entreprises qui va accompagner là aussi sur des temps peut-être un peu plus court les chefs d’entreprise pour qu’il regarde quelles sont leurs forces et leurs faiblesses. Est-ce que c’est l’innovation, est ce que c’est la gestion des ressources humaines, est-ce que c’est l’export, est ce que c’est l’organisation de l’entreprise et puis il y a, puisqu’on a créé en région, le programme de l’ usine du futur que le grand emprunt payal, le programme des investissements d’avenir vient accompagner aujourd’hui et qui va nous permettre là on vise en aquitaine 600 usines nouvelles, j’espère que nous pourrons atteindre un chiffre plus important parce que concrètement je tiens beaucoup moi le nom national c’est l’industrie du futur. Moi je tiens au mot « usine » parce que c’est une Communauté. Monsieur Jean francois Létard, dans tout ce dispositif qu’est ce qui vous intéresse et qu’est ce qui va vous servir le plus dans les années à venir ? A cet accélérateur, c’est cette notion d’accélérateur. Nous sommes formé, quelque part on rencontre un écosystème qui nous aide à créer, mais après parler deuxième levée de fond, aller chercher par la suite de nouveaux financements, gérer la croissance de là, je dirais de l’équipe qui croît rapidement, aller à l’international tout ça c’est un nouveau vocabulaire. OliKrom était une aventure individuelle, aujourd’hui on est une équipe déjà, c’est une aventure collective mais le défi maintenant c’est de réussir. Nous sommes dans la notion des deep tech c’est à dire ces technologies de rupture qui sont en train de changer l’univers. Imaginez les couleurs qui change autour de nous, tout ce qu’on va pouvoir en faire. Cela a des intérêts sur la route pour la suite, nous avons des contrats avec le groupe Eiffage, mais aussi dans l’aéronautique avec le groupe Airbus. Nous avons je dirais un grand nombre d’acteurs un peu partout, il faut arriver à réussir cette croissance et c’est vrai que nous allons devoir parler à notre vocabulaire par exemple aujourd’hui on suit une formation puisque nous sommes l’une des 30 entreprises sélectionnées à l’échelle française pour préparer une éventuelle introduction en bourse. Parce que là aussi il faut savoir l’anticiper, le préparer en amont et donc rejoindre des accélérateurs comme ça, être quelque part mutualisé avec d’autres chefs d’entreprise ça permet de capitaliser de l’expérience et donc d’aller plus vite et d’éviter des pièges comme un collègue à peut-être rencontrer de façon à pouvoir aller mieux.

Est-ce que vous vous êtes favorable justement Alain Rousset ? Est-ce que ces sociétés entrent en bourse prometteuse, est ce que forcément elles ont besoin de passer par la bourse quand elles ont ce potentiel ? D’abord je ne conseillerais pas Jean-François Létard, j’ai beaucoup de chefs d’entreprises qui sont passés en bourse et bon, c’est un peu compliqué. L’essentiel pour nous mais ça c’est à lui de le décider et à son conseil d’administration c’est que l’équipe qui a créé l’entreprise, Jean-François Létard lui-même garde le pilotage de cette entreprise parce que c’est lui qui a tous dans la tête, c’est lui et son équipe. Parce que, ce qui fait la force de l’Allemagne aujourd’hui, ce qui fait la force aussi d’autres régions en France, moi j’observe dans la Vendée les entreprises familiales qui ont un potentiel de croissance considérable. Mais il faut mettre en place les outils, ça s’appelle la formation du chef d’entreprise ou d’une partie de son équipe, ça s’appelle les fonds propres, ça s’appelle l’accompagnement à l’innovation, ça s’appelle venant de la recherche puis il garde ses capteurs d’être toujours branché sur les labos parce que c’est cette coopération qui est importante voilà donc je crois que nous sommes en phrase oui.

Journaliste : Merci beaucoup à tous les deux et on se retrouve évidemment la semaine prochaine même heure sur tv7 bien sûr.